Récifs artificiels, pourquoi reconstruire la mer

L’utilisation de récifs artificiels pourrait permettre un retour de la biodiversité côtière dans certaines zones de Méditerranée délaissées et ainsi améliorer la vie marine, mais aussi la notre.

Notre littoral a subi de fortes pressions liées à l’extension des ports de plaisance et des villes côtières (destruction des petits fonds côtiers), aux apports des fleuves, mais aussi à l’exploitation des ressources par la pêche.

De plus, les changements climatiques globaux accentuent les phénomènes d’érosion et d’inondation de nos côtes. Les solutions techniques comme les digues sont de moins en moins durables, et les gestionnaires côtiers sont de plus en plus souvent confrontés au problème d’érosion du littoral. Cela les amène à faire des choix quant aux mesures à mettre en oeuvre[1] .

Face à ces enjeux, les solutions semblent aujourd’hui s’orienter vers la création et la restauration d’habitats tels que les récifs, afin de fournir une protection côtière mais aussi protéger et rétablir la biodiversité marine.

Et sous la surface… ?

Imaginez-vous allongé sur la plage de Palavas. Le bruit des vagues vous berce l’oreille, le sable chaud vous caresse les épaules. Tout semble parfait, vous êtes sur votre plage préférée, celle que vous connaissez depuis que grand mère vous y a amené un beau jour de printemps quand vous aviez cinq ans. Elle n’a pas changé, et pourtant, sous l’eau, des changements s’opèrent…

Que sont les récifs artificiels ?

L’IFREMER[2] a défini les récifs artificiels comme étant des structures immergées volontairement dans le but de créer des habitats, c’est à dire des milieux de vie pour la biodiversité afin de concentrer, protéger et favoriser les espèces marines. Le principe du récif artificiel est d’utiliser la capacité naturelle de colonisation et de bioconstruction des organismes aquatiques. L’Occitanie compte plus de 32 000 m3 de récifs artificiels immergés soit l’équivalent de 13 piscines olympiques.

On distingue 4 types d’habitats:
1: Habitat pour les espèces pélagiques, c’est à dire vivant dans la colonne d’eau
2: Habitat pour les espèces benthiques: il s’agit de l’habitat classique des récifs artificiels comportant des cavités de dimensions et de formes variées convenant aux espèces benthiques (poissons et crustacés).
3: Habitat pour la faune et la flore fixées : la grande variété de supports, d’inclinaisons et de conditions physiques (éclairement, température, profondeur des cavités) permettent l’établissement des mollusques filtreurs comme les moules qui peuvent constituer une ressource alimentaire très importante pour certains poissons et crustacés.
4: Habitat pour les juvéniles (nurserie) : Les micro-habitats des cavités inaccessibles aux prédateurs correspondent aux besoins de quiétude des jeunes stades de développement.

Schéma d’un récif artificiel (Réalisation Justine Richaume/ inspiré du Cépralmar, 2018)

Ces récifs peuvent avoir de nombreuses formes et tailles, et être construits avec de nombreux matériaux différents faisant encore aujourd’hui l’objet d’études : par exemple à Marseille, plusieurs configurations  ont été mises en place avec des modules en béton (habitats pour les espèces benthiques), des éléments en corde (abri pour les espèces pélagiques)[3].

Ils représentent aujourd’hui un outil de gestion et d’aménagement des fonds marins sur lequel beaucoup d’espoirs sont fondés pour en protéger et restaurer l’environnement. Ils peuvent être utilisés à des fins récréatives, de production, et même de compensation écologique pour pallier la perte de biodiversité et la disparition d’habitats naturels face aux activités humaines croissantes.

Utilité des récifs artificiels 

Les récifs artificiels ont plusieurs fonctions.

Tout d’abord une fonction biologique 

En effet les récifs artificiels sont une multitude d’habitats pour les poissons, crustacés ou mollusques en fonction de leur stade de développement. Cette fonction permet de servir un objectif de conservation de la biodiversité marine via la protection des espaces et habitats, la restauration des habitats dégradés, mais aussi de participer au maintien des activités aquacoles et compenser leurs impacts. Cette fonction peut donc également soutenir un objectif de production halieutique par un soutien de la filière pêche via les nurseries. Certaines zones de pêche en Méditerranée sont déjà favorisées par les récifs artificiels [3].

Ensuite une fonction physique

Les récifs artificiels ont une fonction de maintien des sédiments, et de contrôle des masses d’eau par la déviation de courants et la stabilisation de l’érosion. Les récifs jouent un rôle essentiel dans l’atténuation des vagues et il a été démontré que leur dégradation pouvait être une cause de l’érosion du trait de côte. Ils peuvent réduire l’énergie des vagues jusqu’à 97%, ce qui constitue une protection importante contre les risques naturels [4]. En effet les récifs en bonne santé maintiennent le rivage en équilibre et stable, alors que leur dégradation peut être liée à une grave érosion côtière [5]. Les scientifiques de l’Université de Newcastle ont démontré l’année dernière l’efficacité de récifs artificiels à dissiper l’énergie des vagues afin de sécuriser les côtes [6]. En ce sens, ils peuvent permettre de lutter contre l’érosion du littoral afin de protéger nos zones côtières qui connaissent aujourd’hui à la fois un développement urbain rapide mais aussi l’augmentation des tempêtes et des inondations, mettant en danger les communautés côtières. Les scientifiques conseillent d’orienter l’investissement et l’innovation vers la création et restauration de récifs afin de renforcer cette première ligne de défense côtière [4].

Mais aussi une fonction culturelle et pédagogique

Au-delà de leur fonction culturelle et esthétique, les récifs ont aussi une fonction pédagogique. Cette fonction permet de servir un objectif de promotion des activités récréatives et  avoir une vocation pédagogique. Les récifs artificiels permettent de réduire les pressions sur certains sites naturels de part l’attrait paysager et esthétique qu’ils peuvent présenter. Ces récifs permettent également de sensibiliser le grand public à l’environnement marin, notamment par des activités pédagogiques en mer. Par exemple, le sentier sous-marin de Cerbère-Banyuls accueille en moyenne de 15 000 visiteurs par an ; celui du  Cap d’Agde accueille en moyenne 6 000 visiteurs accompagnés d’un éco-guide et 20 000 visiteurs par an en accès libre[3].

En conclusion,

l’immersion de récifs artificiels a un impact sur les fonds marins qui peut être bénéfique à bien des égards. Les projets futurs, comme Récif’Lab à Agde est prévu pour 2020[7], devront évaluer la rentabilité des habitats créés ou restaurés pour la défense côtière[1] afin de prévoir l’avenir.

… En effet, pour l’instant, vous êtes sur votre serviette, et rien ne compte à part le clapotis des vagues. Les récifs artificiels vous protègent peut-être déjà aujourd’hui. Mais lorsque la mer approchera dans quelques années comme l’ont prédit les scientifiques, qui vous protègera ?

Un beau récif loin de nos côtes…

Sources

[1] Morris, R. L., Konlechner, T. M., Ghisalberti, M., & Swearer, S. E. (2018). From grey to green: Efficacy of eco‐engineering solutions for nature‐based coastal defence. Global change biology, 24(5), 1827-1842.

[2] Lefevre, J. R., Mellon-Duval, C., Ragazzi, M., & Duclerc, J. (1984). Récifs artificiels: analyse bibliographique.

[3] Cépralmar, Région Languedoc-Roussillon. (2015).  Guide pratique d’aide à l’élaboration, l’exploitation et la gestion des récifs artificiels en Languedoc-Roussillon : 236 pages. 

[4] Ferrario, F., Beck, M. W., Storlazzi, C. D., Micheli, F., Shepard, C. C., & Airoldi, L. (2014). The effectiveness of coral reefs for coastal hazard risk reduction and adaptation. Nature communications, 5, 3794.

[5] Reguero, B. G., Beck, M. W., Agostini, V. N., Kramer, P., & Hancock, B. (2018). Coral reefs for coastal protection: A new methodological approach and engineering case study in Grenada. Journal of environmental management, 210, 146-161.

[6] Andersen, C. L., Milthers, I. S., Kristoffersen, J. C., Georgakis, C. T., & Tao, L. (2017, June). Preliminary Evaluation of the Effectiveness of Using Artificial Reefs to Reduce Breaking Wave Impact on Offshore Structures. In ASME 2017 36th International Conference on Ocean, Offshore and Arctic Engineering (pp. V001T01A054-V001T01A054). American Society of Mechanical Engineers.

[7] Récif’lab, Restauration écologique des infrastructures fonctionnelles du littoral agathois et de sa biodiversité, ADEME (2018). Consultable: https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/recif_lab.pdf

Pour en savoir plus, quelques liens utiles :

Vers le Pôle Mer Méditerrannée
Vers le site de l’Agence Française pour la Biodiversité

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