Les zones humides face à la montée des eaux

Publié le 08/12/2020
Rédigé par Mathieu Bourgarel – Illustrations : Marylou Tournayre, Mathieu Bourgarel

Pourquoi s’intéresser aux zones humides littorales ?

Si on vous dit “Littoral Méditerranéen” vous pensez sûrement : soleil, plage, eau turquoise, ciel azur,… Et pourtant notre littoral ne s’arrête pas après le sable juste derrière les glaciers et vendeurs de churros. Le littoral français c’est une diversité d’écosystèmes, parmi lesquels on retrouve évidemment les dunes et les plages tant convoitées, mais aussi des zones humides ! 

Et quand on dit “zones humides” vous pensez à quoi ?
Bon il faut se l’avouer, ZONES HUMIDES ce n’est pas le terme le plus inspirant du siècle… Premièrement parce que “zone” n’est pas un mot particulièrement très engageant, et deuxièmement parce que “humide” ça ne donne pas très envie d’y mettre les pieds. 
Si vous n’êtes pas familier avec ce terme, il y a de grandes chances que vous pensiez à un endroit comme … un marais. Et vous avez raison ! Les marais littoraux font partie des zones humides. Mais derrière ce terme se cachent d’autres écosystèmes comme les lagunes, les prés salés, les marais salants,  les lacs ou encore les deltas !

Et si vous n’êtes toujours pas convaincu, sachez que ces habitats sont si accueillants qu’ils abritent une riche biodiversité : 30% des espèces de vertébrés présentes dans le hotspot méditerranéen dépendent des zones humides, pourtant celles-ci ne représentent que 2 à 3% de la surface terrestre du hotspot (1).

Qualifiées d’écosystèmes dynamiques, ces zones humides littorales sont caractérisées par leur position à l’interface entre terre et mer.
Alors pourquoi s’intéresser à ces écosystèmes ? Si on met de côté la simple curiosité, on peut s’y intéresser pour ce qu’elles nous apportent! En effet, les zones humides littorales, par leurs positions, rendent de nombreux services aux populations humaines qui vivent sur la côte : les fameux services écosystémiques. On vous présente les 4 principaux juste en dessous.

Les services écosystémiques des zones humides Méditerranéennes

De part leurs positions littorales ces zones humides Méditerranéennes rendent de nombreux services aux populations humaines qui vivent sur le littoral. On vous présente les 4 principaux juste en dessous !

Protection

Elles constituent des zones tampon

Les zones humides agissent comme des éponges, en  retenant de façon temporaire une partie des eaux, elles augmentent la durée d’inondation tout en conservant les eaux à un faible niveau d’altitude (2;3;4;5). Cela permet d’atténuer les effets de l’élévation du niveau marin dans les zones peu construites et ainsi de réduire la vulnérabilité des populations humaines aux impacts des tempêtes (2;5;6;7).
Leur présence permet aussi de réduire l’impact des submersions marines en réduisant la vitesse du courant ce qui limite leurs avancées dans les terres.
Finalement, en fournissant des sédiments, elles permettent de limiter l’érosion sur les espaces littoraux, contribuant à réduire la pression d’érosion sur les secteurs voisins du littoral (8).

Assainissement

Elles améliorent la qualité de l’Eau

Comme nous l’avons vu précédemment, les zones humides sont des lieux riches en vie. Ainsi, les nutriments présents dans les eaux continentales sont captés par les zones humides, nourrissant ainsi la vie qui foisonnent dans ces eaux. Les plantes présentes jouent un rôle clef en captant les nutriments en surplus. En arrivant à la mer, l’eau en ressort ainsi plus épurée.
Elles sont également le lieu de savants processus chimiques permettant l’élimination des polluants: la dénitrification (élimination de l’azote) et la chélation (élimination des métaux lourds) (9).

Approvisionnement

Elles soutiennent la pêche

Ce sont de vraies réserves de poissons ! En effet, la forte concentration de matières nutritives dans les lagunes en font des écosystèmes de prédilection pour les individus juvéniles de diverses espèces de poissons marins (8). Elles sont de ce fait indispensables au maintien de l’exploitation halieutique.

Pour faire simple, on peut dire que les zones humides littorales sont engagées en faveur des petits métiers de la pêche (9).

Outre les poissons, vous ne serez pas déçu de savoir que les prés salés permettent aussi de soutenir le pastoralisme !

Stockage du CO2

Elles limitent l’augmentation de dioxyde de carbone

Vous savez sûrement que les océans sont le “poumon bleu” de notre planète, n’est-ce pas (sinon maintenant vous le savez ! Vous pouvez dire merci au phytoplancton) ?
Eh bien sachez également que ces belles zones humides captent elles aussi le CO2, aidant ainsi à compenser l’augmentation du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère (10).
Cependant, la capacité de séquestration du carbone des zones humides littorales est globalement sous-évaluée et les travaux de recherche sont toujours en cours sur le sujet.

En bonus voici un autre service, gracieusement rendu par les zones humides littorales.

Appui

Elles retiennent les sédiments

En retenant les sédiments et en accumulant la matière organique, elles permettent la formation des sols.
Ceci n’est pas un service en tant que tel mais est à la base de nombreux autres services, notamment la protection contre l’érosion et la dépollution des eaux (9) que nous avons vus plus haut !

Des écosystème menacés

Les zones humides font face aujourd’hui à de nombreuses menaces : parmi les principales, on retrouve le drainage et la conversion en terres agricoles, le comblement et l’assèchement pour soutenir l’expansion urbaine et aussi l’arrivée d’espèces exotiques envahissantes.
À cela s’ajoutent les effets du changement climatique : les sécheresses plus fréquentes et plus fortes ainsi que les tempêtes fragilisent ces espaces, tandis que la montée du niveau marin entraîne la disparition des zones humides côtières.

Ainsi , malgré leur rôle face à la crise climatique, elles restent menacées par les activités humaines. Depuis 1970 les zones humides de Méditerranée auraient perdu près de la moitié de leur superficie.

Impacts de l’augmentation du niveau marin sur les zones humides littorales et lagunaires

Submersions des zones de faibles altitude

Les zones humides en première ligne

Il s’agit sûrement de l’impact le plus évident, mais il n’en reste pas moins réel. Actuellement lors des tempêtes, les zones littorales de faibles altitudes se retrouvent régulièrement submergées, on parle de submersions temporaires. Avec l’augmentation du niveau moyen de la mer, ces zones seront  submergées de façon définitive.

Les zones humides littorales étant caractérisées par leur proximité à la mer et par une altitude généralement inférieure à 1 mètre sont parmi les milieux les plus exposés à ce phénomène.

Modification du trait de côte

Le littoral en mouvement

L’élévation du niveau marin entraîne l’inondation des milieux naturels, mais génère aussi le déplacement des habitats situés en plaines côtières (11).
Face à l’élévation du niveau marin, les lidos sableux (cordons littoral séparant les lagunes de la mer) ont tendance à reculer (12;13), entraînant un comblement progressif des lagunes situées juste derrière le cordon littoral.

Une pincée de sel

Trop de sel, c’est mauvais pour la santé

L’augmentation du niveau des mers signifie aussi une augmentation des apports d’eau de mer dans les lagunes, et on peut observer dans certains étangs un phénomène de salinisation, c’est à dire une avancée progressive des eaux marines dans les terres (11;14;15). Cette salinisation touche notamment les zones humides d’eau douce proches du littoral, qui deviennent progressivement plus saumâtres. On assiste alors à un remplacement des communautés végétales car les espèces dépendantes des eaux douces disparaissent ou migrent plus en amont.

Érosion du trait de côte et populations humaines

Les enjeux sont aussi sociaux

Cependant la submersion marine ne concerne pas uniquement les zones humides méditerranéennes et autres écosystèmes littoraux. Nos sociétés sont également touchées, et pas seulement par les services écosystémiques perdus lors des submersions, mais parce que nous sommes en première ligne. 

Avec tous ces points négatifs on pourrait penser qu’il est déjà trop tard…que nenni !
Alors, quelles solutions existent pour s’adapter au phénomène ?
Faut-il combattre la mer ou la laisser rentrer sur nos terres ? 

Autant de questions qui feront l’objet de nos futurs publications, alors restez connecté 😉


RÉFÉRENCES 

  1. Mediterranean Wetland Outlook 2, 2018
  2. MA, 2005a
  3. OZHM, 2012
  4. Turpie et al., 2010
  5. Wetlands International, 2008
  6. Campbell et al., 2008
  7. RAMSAR, 2010
  8. Chanzy, A., et al., 2017
  9. De Groot, R.S et al., 2007
  10. Mitsh et al., 2012
  11. GREC-PACA, 2017
  12. Carreno,2008
  13. Durand, 2006
  14. PIRAZZOLI, 2001
  15. Paskoff, R., 2000

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