La mer monte, pourquoi ?

Publié le 01/12/2020
Rédigé par Elyse Boudin – Illustrations : Elyse Boudin, Mathieu Bourgarel

En septembre 2019 est paru  le dernier rapport des experts du Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), annonçant l’élévation du niveau des océans d’au minimum 43 cm d’ici 2100. 

Le changement climatique provoque la montée du niveau des océans, et la mer Méditerranée n’est pas épargnée. Le projet “1.10 La mer monte” porté par notre association consiste à mettre en avant au travers d’ un film et d’une exposition photographique itinérante, des femmes et des hommes qui travaillent quotidiennement à leur niveau, pour comprendre, anticiper et innover et ainsi permettre des adaptations à long terme face aux effets du changement climatique.

Mais avant de vous présenter quelques-unes de ces initiatives, On vous explique aujourd’hui pourquoi la mer monte.

Un processus qui s’accélère

Il y a un peu plus d’un an est paru le dernier rapport des experts du Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) traitant des effets du changement climatique sur les océans et la cryosphère (les surfaces gelées). Ce rapport, synthétisant plusieurs milliers d’études scientifiques récentes, compare les chiffres du siècle dernier avec ceux du XXIème siècle. 

Résultat? En moins de 100 ans, le niveau global des mers et océans a augmenté de 16 centimètres. Cela représente une augmentation moyenne de 1,4 mm/an entre 1901 et 1990. Cependant ce rythme s’accélère: entre 2006 et 2015, les océans se sont élevés d’en moyenne 3,6 mm/an ! 

Deux causes principales à l’échelle globale

Cette montée des eaux a deux origines: d’une part la dilatation thermique, et d’autre part la fonte des glaces continentales (glaciers de montagne, du Groenland et de l’Antarctique). Ces deux phénomènes sont des conséquences directes du réchauffement climatique.

La dilatation thermique contribue à la montée des eaux d’en moyenne 1,4 mm sur les 3,6mm par an observés actuellement. Ce phénomène a donc un fort impact, mais à quoi correspond-il? Lorsqu’un liquide se réchauffe, les molécules qui le composent vont s’exciter et s’agiter, prenant alors plus de place. La dilatation thermique est le processus qui a le plus contribué à la montée des eaux durant le XXième siècle, mais il est désormais rattrapé par la fonte des glaces continentales. Cependant, son effet perdurera sur les siècles à venir du fait du refroidissement très lent des océans qui vont ainsi continuer leur expansion [ZICKFELD]. 

Le passage du XXème au XXIème siècle a vu une accélération de la fonte des glaces continentales représentant dorénavant la cause principale de l’élévation du niveau des océans. 

Mais pourquoi parlons-nous de glaces “continentales” ? Cette expression concerne les glaciers de montagne, de l’Antarctique et du Groenland, c’est-à-dire des glaciers se trouvant sur la terre ferme. En effet, lorsque nous pensons à la fonte des glaces, nous imaginons souvent un iceberg en train de fondre. Mais non ! Le principe d’Archimède nous explique que la fonte de glaces se trouvant dans de l’eau liquide  (icebergs) n’impacte en rien le niveau de l’eau. 

Sur les 3,6 mm annuels d’élévation du niveau marin, les glaciers de montagne, du Groenland et de l’Antarctique contribuent à 1,8 mm. Or ce chiffre ne cesse d’augmenter :  en effet la fonte des glaces a triplé pour l’Antarctique et doublé pour le Groënland entre 2007 et 2016 par rapport à la fonte observée la décennie précédente [PÖRTNER].

Pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène actuel de montée des eaux et ses conséquences sur nos sociétés, il est important de s’intéresser à ce qui est arrivé par le passé. 

Un peu d’histoire

Le niveau des mers et océans a beaucoup varié au cours des temps géologiques, que ce soit du fait des mouvements sismiques ou des changements climatiques. La mer Méditerranée s’est asséchée à la suite de mouvements sismiques conduisant à la fermeture du détroit de Gibraltar il y a plus de 5,9 millions d’années, avant de se remplir de nouveau à la réouverture du détroit quelques centaines de milliers d’années plus tard. 

Le phénomène qui nous intéresse ici est le changement climatique. La Terre en a été le témoin de nombreux, avec des périodes de glaciation et des périodes dites “interglaciaires” lors desquelles le climat se réchauffait. Les périodes glaciaires et interglaciaires sont cycliques: les périodes glaciaires durent généralement 50 000 à 100 000 ans et les périodes interglaciaires  durent généralement 10 000 à 20 000 ans.

Nous sommes actuellement dans une période interglaciaire, l’Holocène. La dernière glaciation s’est terminée il y a environ 10 000 ans, c’est à dire au début du Mésolithique. 

Les chercheurs s’intéressent aux anciennes périodes interglaciaires et donc aux réchauffements climatiques passés afin d’estimer les impacts du réchauffement actuel. Les précédentes variations de température ont provoqué des modifications des niveaux marins parfois importantes [DECONTO, DUTTON]. Il y a 125 000 ans, lors de la dernière période interglaciaire, le niveau marin était  6 à 9 m plus haut qu’aujourd’hui. Il y a 3 millions d’années au Pliocène, lors d’une autre période interglaciaire, le niveau de l’eau se serait élevé de plusieurs dizaines de mètres ! [DUTTON] L’analyse de ces périodes du passé montre que les facteurs agissant principalement sur la montée des eaux étaient similaires aux actuels : la dilatation thermique des océans et la fonte d’une partie plus ou moins importante des glaciers continentaux [MCKAY]. 

À la vue du réchauffement que nous n’arrivons pour l’instant pas à stabiliser, on peut s’attendre à ce que la fonte des glaciers s’accentue et contribue largement à l’augmentation du niveau marin mondial.

Une écluse à plusieurs vitesses

Le niveau des mers et océans s’élève, mais  cette élévation n’est pas constante sur l’ensemble du globe. Ainsi, dans certains endroits du monde, le niveau marin augmente de plus de 3,6 mm/an. Dans d’autres régions, cette élévation est plus réduite. L’élévation du niveau de l’eau varie d’une région à l’autre avec une différence pouvant avoisiner les 30%. Par exemple, la fonte des glaciers continentaux peut entraîner une montée des eaux plus importante localement, de même que les températures et les mouvements d’eau vont influencer le niveau régional.  

En ce qui concerne notre région, bien que la Mer Méditerranée ne communique avec l’océan Atlantique que par le Détroit de Gibraltar, l’évolution de son niveau suit l’élévation mondiale du niveau des océans. Ainsi, les prévisions du GIEC nous renseignent à propos des niveaux attendus sur nos côtes avec comme meilleur scénario une montée avoisinant les 43 cm pour 2100, mais qui pourrait bien atteindre 1.10 m !*

*”The global mean sea level (GMSL) rise under RCP2.6 is projected to be 0.39 m (0.26–0.53 m, likely range) for the period 2081–2100, and 0.43 m (0.29–0.59 m, likely range) in 2100 with respect to 1986–2005. For RCP8.5, the corresponding GMSL rise is 0.71 m (0.51–0.92 m, likely range) for 2081–2100 and 0.84 m (0.61–1.10 m, likely range) in 2100” [PORTNER]

Sources

Historique de l’élévation du niveau marin en Méditerranée

DECONTO, Robert M. et POLLARD, David. Contribution of Antarctica to past and future sea-level rise. Nature, 2016, vol. 531, no 7596, p. 591-597.

DUTTON, Andrea, CARLSON, Anders E., LONG, AJbp, et al. Sea-level rise due to polar ice-sheet mass loss during past warm periods. science, 2015, vol. 349, no 6244.

L’évolution récente

PÖRTNER, H. O., ROBERTS, D. C., MASSON-DELMOTTE, V., et al. IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate (SROCC). 2019.

Deux causes principales à l’échelle globale

MCKAY, Nicholas P., OVERPECK, Jonathan T., et OTTO‐BLIESNER, Bette L. The role of ocean thermal expansion in Last Interglacial sea level rise. Geophysical Research Letters, 2011, vol. 38, no 14.
ZICKFELD, Kirsten, SOLOMON, Susan, et GILFORD, Daniel M. Centuries of thermal sea-level rise due to anthropogenic emissions of short-lived greenhouse gases. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2017, vol. 114, no 4, p. 657-662.

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